Experte en intelligence relationnelle, coach professionnelle certifiée et superviseure , Catherine Fabri est une référence dans l’intégration du questionnement en entreprise. Auteure du livre « L’Art du questionnement en entreprise » paru en 2021 aux éditions Mardaga, elle explore comment le management peut évoluer vers plus d’écoute, d’intuition et de transformation en profondeur.
Catherine, raconte-moi ton parcours ?
Je suis née en Belgique, où j’ai d’abord étudié la psychologie avant de bifurquer vers le marketing. Après l’obtention de mon diplôme, je suis partie en France, en Alsace, où j’ai passé 20 ans en entreprise, notamment dans l’industrie textile et la presse gratuite. Dans ces secteurs en pleine transformation, j’ai occupé des postes de management où j’ai rapidement compris une chose essentielle :
« Dans ces environnements en transformation, le management descendant ne fonctionnait plus. J’étais manager de proximité, entre la direction et les collaborateurs, entre le marteau et l’enclume.»
Il a fallu que je trouve une approche managériale différente, puisque dire quoi faire aux gens, ça ne marche tout simplement pas. C’est ainsi que j’ai commencé à intégrer le questionnement dans mon mode de management.
Un jour, j’ai reçu un email sur le coaching, et j’ai ressenti un véritable alignement des planètes : c’était la rencontre parfaite entre ma formation en psychologie, mon expérience en marketing et mon vécu en entreprise. Nous sommes en 2010. Je décide de me former au coaching, avant d’ouvrir mon cabinet.
« Il fallait que je motive mes équipes, sauf qu’aujourd’hui, je sais qu’on ne motive pas les gens, on crée les conditions de leur motivation. »
Qu’est-ce qui t’a amenée à écrire sur l’art du questionnement ?
J’ai eu la chance de rencontrer des personnes qui, à certains moments clés de ma vie, m’ont posé des questions si puissantes qu’il y a eu un « avant » et un « après ».
« Une bonne question, c’est comme une allumette : elle peut éclairer d’un coup une situation qui semblait obscure. »
Petit à petit, j’ai commencé à lister ces questions, mais je ne les utilisais jamais telles quelles en coaching. Je me suis donc interrogée : comment poser des questions pertinentes de manière autonome ? C’est ainsi que j’ai approfondi mes recherches. J’ai beaucoup lu et je me suis formée aux États-Unis à la MIT Sloan School of Management et au Québec, auprès d’experts comme Marilee Adams.
« Être un bon manager, ce n’est pas avoir toutes les réponses, c’est savoir poser les bonnes questions »
Mon objectif était d’intégrer le questionnement réflexif au management pour aider les managers à arrêter de donner des réponses et des solutions toutes faites pour, à la place, amener leurs collaborateurs à être plus autonomes et responsables.
Tu décris ton rôle comme étant celui d’un «catalyseur de solutions». Peux-tu m’en dire plus ?
« Je ne donne pas de solutions, j’aide les autres à accoucher des leurs. »
J’aime dire que mon rôle est d’amener mes clients à faire un pas de côté, à changer de regard sur les choses. Je ne donne pas de solutions, mais je pose les bonnes questions pour qu’elles émergent d’elles-mêmes. Mon approche s’appuie sur la co-création d’un cadre contenant et sécurisant qui permet ensuite à mes clients d’oser se laisser questionner et se poser des questions. C’est un pré-requis indispensable.
En entreprise, le changement et la transformation génèrent souvent des résistances. En tant que coach et superviseure, j’accompagne ces résistances pour permettre aux individus et aux équipes de trouver leurs propres réponses.
« Mon job, c’est de ralentir pour permettre à mes clients de ralentir. Si je vais au même rythme effréné qu’eux, on plonge tous les deux. »
À qui s’adressent tes accompagnements et quelles problématiques rencontres-tu le plus souvent ?
Mes clients sont très variés, tant en termes de secteurs d’activité que de profils. J’accompagne des dirigeants, managers et leurs équipes dans l’industrie, les services, le BTP, l’agroalimentaire, les agences d’intérim, etc.
En individuel, j’interviens sur la prise de poste, le développement du leadership et l’accompagnement au changement.
En collectif, c’est souvent sur la cohésion d’équipe, la levée des tensions et la gestion des conflits.
Depuis le Covid, j’observe une demande croissante pour des accompagnements plus profonds. La transformation des entreprises crée des tensions, notamment entre les anciens collaborateurs et les nouveaux arrivants.
« Il y a ceux qui ont 40 ans d’ancienneté et qui résistent au changement, et ceux qui arrivent avec de nouvelles méthodes et qui ne comprennent pas la réticence. Mon rôle, c’est de recréer du liant. »
Tu évoques l’importance du temps et la difficulté de l’adaptabilité aujourd’hui. Quels sont les grands enjeux du management selon toi ?
L’un des plus grands enjeux est la gestion du temps et du flux incessant d’informations et de changements.
« On est pris dans une centrifugeuse, et parfois j’ai l’impression que le courant s’accélère. Je rame à contre-courant, mais parfois l’envie de lâcher les rames est bien présente. »
Dans mon livre L’Art du questionnement en entreprise, je parle de cinq enjeux clés :
- Créer un climat de confiance propice à la renaissance, l’ouverture est un choix.
- Accompagner le changement.
- Redonner sa juste place aux émotions : Nous sommes des êtres humains, pas des ‘faire humains’. Il faut accepter la peur, l’incertitude et la colère comme des éléments normaux en entreprise.
- Mieux travailler ensemble : Un manager qui écoute vraiment ses équipes ne passe plus son temps à éteindre des incendies.
- Mieux se connaître et développer son adaptabilité.
Parle-nous de la posture du manager.
Pour moi, tout repose sur une question essentielle : « Suis-je dans l’ouverture ou dans la fermeture ? »
Un manager doit être conscient qu’il a la responsabilité d’entraîner son équipe soit dans une spirale positive, soit dans une spirale négative. Dès qu’on bascule dans la peur, la colère ou la tristesse, on se ferme, on perd en créativité et en capacité d’innovation.
À l’inverse, lorsqu’on est connecté à la joie et au plaisir, tout devient plus fluide. Et ce n’est pas un détail : un manager performant est un manager qui a travaillé sur lui-même et qui assume son rôle sans crispation.
Quels sont tes prochains projets ?
Cette année, j’ai un projet qui me tient particulièrement à cœur ! Après une expérience transformatrice dans le désert, j’ai décidé de proposer une immersion en Mauritanie en novembre 2025. L’objectif est de se reconnecter à son essentiel et de travailler sur la réconciliation du masculin et du féminin, aussi bien en nous-mêmes que dans nos interactions professionnelles et personnelles.
« Comment les managers peuvent-ils réintégrer leur part de vulnérabilité sans perdre leur leadership ? »
La vulnérabilité fait partie intégrante du leadership. Le leader a conscience de ses limites, de ses fragilités. Sa pleine puissance vient de l’équilibre entre sa force et sa vulnérabilité. A la rentrée, nous accompagnerons un groupe dans cette exploration, dans un cadre inspirant et hors du temps, le désert, pour permettre à chacun de se reconnecter à soi et d’incarner pleinement sa posture de leader. Je serai accompagnée d’un «photographe de l’être et de l’invisible» qui captera l’expérience pour mieux l’ancrer.
« Parfois, c’est en se retirant du bruit du monde que l’on trouve les réponses essentielles. »
Le mot de la fin
L’art du questionnement, tel que l’enseigne Catherine Fabri, est bien plus qu’un outil de management : « C’est un état d’esprit, un art de vivre. »
À travers ses accompagnements, Catherine invite chacun à ralentir, à interroger ses certitudes et à cultiver une ouverture d’esprit essentielle dans un monde en perpétuelle évolution.
Merci Catherine Fabri pour ce temps d’échanges.
Propos recueillis par Sophie Lagaude.
PROPULZ’UP vous accompagne dans la réflexion, le conseil et la mise en place de démarches durables et impactantes sein de votre organisation.
Nous restons à votre écoute !
Johanna Rivière.