Les proches aidants en entreprise : un statut en devenir

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Le 6 octobre marque chaque année la Journée des Aidants. Souvent invisibles, ils assurent pourtant un lien social indispensable pour les personnes malades, porteuses d’un handicap ou âgées, qu’ils accompagnent. Certains d’entre eux cumulent cette responsabilité avec une activité professionnelle. Or, pour différentes raisons, la majorité des aidants n’informe pas son entourage professionnel, qu’il s’agisse de l’employeur ou des collègues. La sensibilisation prend alors tout son sens, d’autant plus que des solutions existent.

 

 

Le proche aidant

 

Un aidant – ou proche aidant – est une personne qui assume la responsabilité de prendre soin d’un membre de sa famille, d’un ami ou d’un proche atteint d’une maladie, d’un handicap ou de troubles mentaux. Cette assistance peut être nécessaire à différents niveaux, allant de l’aide quotidienne pour les tâches domestiques à des soins médicaux.

 

Une réalité difficile à appréhender

En France, 11 millions de personnes seraient concernées – leur nombre exact étant difficile à estimer : en effet, il s’agit rarement d’un sujet abordé spontanément ou d’un état revendiqué. De plus, de nombreux mineurs prennent soin d’un proche parent, ils n’apparaissent dans aucune statistique.

54 % des aidants ne se reconnaissent pas comme tels. La raison ? Prendre soin d’un proche malade ou handicapé leur apparaît comme « naturel », « dans l’ordre des choses ».

 

Être aidant : un facteur de vulnérabilité

Même s’il considère son rôle comme allant de soi, l’aidant vit une réalité difficile avec des impacts négatifs notamment :

  • sur ses sorties et loisirs (31%),
  • sur la qualité de son sommeil (27%)
  • sur sa santé et sa forme physique (26%)

Leur nombre ne cesse d’augmenter : 1 français sur 6 en 2020, ils seront 1 sur 4 en 2030 !

 

 

Une loi pour « aider les aidants »

 

A plusieurs égards la situation d’aidant est particulière. Entrée en vigueur le 1er janvier 2016, l’ASV (loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement) ouvre la voie à la reconnaissance d’un statut pour les aidants qui se définit comme suit : « Est considéré comme un aidant familial, le conjoint, le concubin, la personne avec laquelle le bénéficiaire a conclu un pacte civil de solidarité, l’ascendant, le descendant ou le collatéral jusqu’au quatrième degré du bénéficiaire, ou l’ascendant, le descendant ou le collatéral jusqu’au quatrième degré de l’autre membre du couple qui apporte l’aide humaine et qui n’est pas salarié pour cette aide ».

« La loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement prévoit un budget de 700 millions d’euros par an pour l’accompagnement de l’autonomie des personnes âgées. La loi réforme et revalorise l’APA, c’est-à-dire l’allocation personnalisée d’autonomie, en augmentant le nombre d’heures d’aide à domicile par exemple, reconnait le rôle des proches aidants et crée un droit au répit pour les aidants ».

Pour autant, 2 aidants sur 5 n’ont pas du tout entendu parler de la reconnaissance juridique de leur statut d’aidant.

Cette loi instaure entre autres :

  • le droit au répit : solutions d’accueil temporaires pour la personne aidée, structures accueillant le binôme aidant-aidé ;
  • le congé de proche aidant, indemnisé ;
  • le droit à la formation (les bons gestes et réflexes pour mieux accompagner son proche) ;
  • le droit à une rémunération: la possibilité pour l’aidant d’obtenir de statut de salarié à certaines conditions.

 

La problématique des aidants en entreprise

 

Sur les 11 millions d’aidants français, 1 sur 4 consacre 20 h hebdomadaires et parfois plus à son proche : un véritable emploi à mi-temps ! Et ce alors que 6 millions de personnes cumulent cette responsabilité avec un emploi.

Dans 97%[1] des cas, l’aidant est conduit à gérer des situations personnelles sur ses heures de travail. Et à l’inverse, le temps de travail impacte nécessairement le temps accordé à la personne aidée.

Avec l’impulsion de l’ASV, la sensibilisation croissante à la situation des aidants (dont la journée annuelle du 6 octobre), les entreprises sont de plus en plus nombreuses à mettre en place des dispositifs d’accompagnement de leurs salariés aidants.

Mais 7 ans après l’entrée en vigueur de cette loi, il reste encore un long chemin à parcourir.

 

 

Entreprise et aidant : la communication est perfectible 

 

Pour que l’entreprise puisse soutenir ses salariés aidants, encore faut-il qu’elle connaisse leur situation…. Et que ces derniers soient informés de l’existence de dispositifs en leur faveur. Là aussi, il reste un long chemin à parcourir :

  • Seul 1 aidant sur 5 informe son entourage professionnel de sa situation. Pourquoi ? par pudeur, ou par peur d’être pénalisé dans son évolution professionnelle, par crainte du regard des autres ;
  • De son côté, l’entourage professionnel craint souvent d’être intrusif face à une situation qui relève de la sphère personnelle ;
  • 66 % des aidants en poste n’ont pas entendu parler d’un dispositif pour les aidantsdans leur entreprise (sondage OpinionWay pour Humanis).

 

Les aidants en entreprise : contraintes et risques spécifiques 

 

La situation de l’aidant en entreprise est particulière : en pratique, elle peut ressembler au cumul de deux activités, dont l’une revêt un caractère émotionnel particulièrement fort.

 

La gestion de 2 vies 

Chacune des deux parties – l’entreprise et l’aidant – doivent prendre en compte la gestion de ces 2 « vies » professionnelles.

  • les aidants doivent parfois s’absenter subitement pour rester auprès de leur proche suite à une situation imprévue (épisode aigu de la maladie, accident, chute…).
  • Il peut arriver aussi qu’ils ne puissent se conformer strictement aux horaires de l’entreprise.

Ces situations exigent de la flexibilité de la part de l’employeur (déroger à certaines règles par exemple le préavis pour poser des congés) et des collègues pour gérer son absence, ou rebondir via du télétravail, ou encore accorder des horaires aménagés.

L’aidant peut être pénalisé financièrement, par exemple s’il doit s’absenter en ayant épuisé son quota de congés payés et RTT ou si sa situation le contraint à travailler à temps partiel.

En termes de carrière, l’impact n’est pas neutre puisque 37% des aidants estiment que leur évolution professionnelle est ralentie par leur situation personnelle.

Enfin, du fait de l’investissement physique et mental nécessaire, l’aidant présente davantage de risques, par rapport à un autre salarié, de développer de l’épuisement, un burnout et une dépression. Il cumule en effet la charge de son proche, son poste dans l’entreprise, et parfois les difficultés financières liées à un revenu diminué.

 

Que peut faire l’entreprise pour ses aidants proches  ?

Dès lors il est difficile d’imaginer une compartimentation étanche entre la vie en entreprise et la vie d’aidant proche : elles s’impactent mutuellement. Mais alors comment prendre en compte les lourdes obligations des salariés aidants ?

Les entreprises ont un rôle important à jouer pour les soutenir et les inclure dans le monde professionnel. Voici quelques leviers qui peuvent utilement être actionnés :

  • La politique de congés de l’entreprise au travers de la mise en place d’une politique de congés flexible pour les proches aidants, que ces périodes soient ou non rémunérées. Un assouplissement au niveau des dates de congés et de leur programmation peut aussi apporter un allègement de la charge mentale du proche aidant…
  • Les horaires et l’accord télétravail dans l’entreprise : donner la possibilité d’adapter l’emploi du temps afin de répondre aux besoins de leur proche tout en maintenant leur productivité. Il s’agit là de proposer davantage de télétravail par exemple, ou de déroger aux horaires obligatoires de l’entreprise.
  • Un soutien émotionnel : il peut se traduire sous forme de programmes d’aide aux employés, de mise à disposition de conseillers ou l’organisation de groupes de soutien.
  • La sensibilisation : aborder et expliquer la notion de proche aidant, à laquelle tous ne sont pas familiers, en sensibilisant les managers et employés à la réalité de ce rôle, pour créer un environnement de travail plus compréhensif. La diffusion anonymisée si nécessaire, de témoignages peut se révéler très pédagogique ;
  • Des actions de formation sur la gestion du stress et des priorités pour aider les aidants à équilibrer leurs responsabilités professionnelles et familiales.

Or, il arrive fréquemment que les aidants gèrent seuls une détresse à la fois émotionnelle et physique. Et ce n’est que lorsqu’ils sont à bout, que la situation a fini par leur échapper, qu’ils l’évoquent.

Sur ce point, le manager de proximité peut avoir un rôle décisif, en détectant des signaux avant que la situation ne se détériore. Des absences répétées chez un salarié habituellement motivé, des signes de grande fatigue chronique, peuvent par exemple alerter.

Du côté des mutuelles

Les mutuelles ont aussi un rôle à jouer, en travaillant main dans la main avec les entreprises d’une part et les aidants d’autre part.

Elles peuvent notamment s’investir sur plusieurs fronts :

  • Accompagner les aidants sur la connaissance de leurs droits, les ressources disponibles et les services de soutien ;
  • Informer sur les politiques de l’entreprise en matière de soutien et sur la manière dont les aidants peuvent les utiliser ;
  • Mettre en place des programmes de soutien aux aidants : conseils, soutien psychologique, formation ;
  • Proposer des ressources en ligne : plateformes, groupes de soutien et assistance téléphonique ;
  • Accompagner les entreprises pour qu’elles développent des politiques favorables aux aidants : horaires de travail flexibles, télétravail ou congés spécifiques pour les aidants ;
  • Sensibiliser les employeurs aux défis quotidiens des aidants ;
  • Organiser des programmes de promotion de la santé pour les aidants et les encourager à prendre soin d’eux-mêmes pour éviter l’épuisement ;
  • Proposer des services d’assurance adaptés ;
  • Travailler avec les entreprises et les organisations de la société civile pour plaider en faveur de politiques gouvernementales qui soutiennent les aidants (crédits d’impôt, congés rémunérés pour les aidants…) ;
  • Conduire des enquêtes et recherches pour mieux comprendre les besoins spécifiques des aidants et utiliser ces données pour orienter les politiques de soutien aux aidants et les offres de services.

 

 

Pour conclure sur les aidants en entreprise 

 

La contribution sociétale des aidants proches est essentielle à de nombreux niveaux de notre société. Elle reste encore souvent sous-estimée.

Ces hommes et ces femmes offrent un soutien essentiel aux personnes vulnérables, qu’il s’agisse de membres de leur famille, d’amis ou de proches. Leur dévouement quotidien va bien au-delà de simples tâches de soins physiques, car ils apportent également un soutien émotionnel et moral indispensable. Les proches aidants jouent un rôle majeur dans la préservation de la dignité et de la qualité de vie des personnes dépendantes, tout en permettant à ces dernières de rester dans leur environnement familial, ce qui est bénéfique pour leur bien-être psychologique.

Sur un autre plan, les proches aidants fournissent une grande partie des soins nécessaires de manière bénévole, allégeant ainsi la charge pour le système de santé (établissement et Sécurité Sociale).

Reconnaître leur contribution sociétale et leur fournir un soutien adéquat est non seulement une question de justice sociale mais c’est aussi une nécessité pour garantir une société plus inclusive et solidaire.

Les entreprises ont la responsabilité de reconnaître les besoins des aidants et de mettre en place des politiques RH et des programmes de soutien pour les aider à équilibrer leurs responsabilités professionnelles et familiales tout en préservant leur santé mentale.

Nous sommes là au cœur du management des diversités. Il est nécessaire aujourd’hui, dans toute organisation, d’ouvrir, par l’inclusion, de nouvelles perspectives en terme de performance à la fois humaine et managériale.

Si vous souhaitez être accompagné pour développer le management des diversités et obtenir une meilleure inclusion des aidants dans votre entreprise, contactez-nous

 

[1] [2] Infographie Impact de la charge mentale sur la vie professionnelle, YoopiesAtWork, https://yoopies.fr/presse/etude-yoopies-salaries-aidants, 2019

Pour aller plus loin sur ce sujet :

 

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